hommage à un héros anonyme

Il y a 54 ans, un mercredi alors que mon frère et moi rentrions de l'école (à l'époque il y avait école le mercredi), un homme nous annonçait avec d'étranges vibratos dans la voix, des larmes plein les yeux et des mains qui tremblaient : "vous avez une petite soeur".

J'avais 7 ans, je sortais depuis peu d'un orphelinat et je ne comprenais pas vraiment en quoi cela me concernait.

J'avais déjà un grand frère, je savais que j'avais eu un petit frère un jour, mais qui était vraiment cet homme?

Cet homme, était un petit ouvrier du bâtiment "qui n'avait pas son certif" et qui scellait par ces paroles un engagement qu'il a toujours tenu, c'est à dire : devenir notre père.

Je repense à lui et aux heures supplémentaires qu'il faisait, ainsi que les chantiers "à côté" "pour payer les études et améliorer l'ordinaire".

J'étais un gamin, puis un ado et cela ne m'interpellait pas plus que ça, pour tout dire je trouvais cela normal.

Pourtant il n'avait que 24 ans (un gamin pour moi aujourd'hui) et il foutait sa vie en l'air pour rendre la notre meilleure, comme ça, par amour pour sa femme et sans jamais nous faire la moindre remarque à ce sujet.

Si tu connais mon parcours tu te doutes que, beaucoup à sa place se seraient mordus les doigts de s'être autant défoncé pour voir un jour les gendarmes arriver à la maison. Lui, non !

Et même que le soir du réveillon 1969 (j'avais quitté le domicile familial et je galérais pas mal) il est arrivé chez ma copine, m'a fait monter dans sa 4L de pauvre, m'a emmené dans un épicerie et payé ce qui ne  peut être que le plus beau réveillon de ma vie, celui de l'empathie et de l'amour.

Ensuite il m'a ramené avec mes sacs en plastique et m'a quitté sur un "joyeux réveillon à tout deux" (tout cela, bien sûr, sans toucher mot à ma mère).

Jacques, là où tu es, et je suis sûr que tu es parmi les saints et les justes, j'espère que ce qui suit remontera jusqu'à toi :

Je t'aime papa, et demain en fêtant l'anniversaire de ma petite soeur, j'aurai les mains qui trembleront, la larme à l'oeil et j'essaierai de controler ces étranges vibratos qui étreignent ma gorge alors que j'écris ceci.